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A l'instar des lycanthropes, il est des noms d'auteurs
qui me font bondir sauvagement sur les livres qui les portent, avec un hurlement de plaisir anticipé
: Nancy A. Collins est un de ces noms. Aussi, quand j'ai vu Le loup debout innocemment posé
sur un fragile étalage, les tressaillements familiers d'une crise de biblianthropie ont commencé à
m'agiter. Hurlant et vociférant, je me ruais sur le livre en éparpillant la pile et effectuais un
passage en caisse à la vitesse d'un éclair poilu. Puis je rentrais chez moi pour savourer ma proie,
dans des circonstances qui restent malheureusement assez floues (ai-je vraiment égorgé ce policier
qui venait d'arrêter ma voiture roulant à 150 en ville ? Ai-je vraiment décapité le concierge qui
venait me parler de ses étrennes ?). Enfin, l'essentiel était d'être là, avec ce livre entre les mains.
Il faut dire que Nancy A. Collins fait partie de ces auteurs qui ont su revivifier un mythe, apporter
un souffle nouveau à un personnage littéraire jusqu'alors toujours exploité dans la même veine. Patrick
Cauvin l'a fait pour les vampires avec Paris Vampire, David Brin pour les civilisations galactiques
avec Elévation , Isaac Asimov pour les robots...: Nancy A. Collins l'a fait pour le loup-garou.
Son idée originale, développé dans Garouage, met en scène un peuple de l'ombre vivant depuis
toujours au coté des humains, et possédant les caractéristiques d'animaux tutélaires (les loups bien
sûr, mais aussi les renards, les coyotes...). Les êtres mi-homme, mi-loup sont appelés vargrs. L'originalité
réside dans le traitement de la vie parallèle de ces êtres de l'ombre : relations entre les communautés,
liens hiérarchiques (calqués pour les vargrs sur les relations à l'intérieur des meutes de loups),
relations avec les hommes (qui sont considérés à la fois comme du bétail à exploiter et comme l'oppresseur
constant forçant les communautés à se cacher). Dans Garouage, les aperçus de cette vie souterraine
rendait l'ensemble de la construction très crédible, en particulier par l'utilisation de personnages
découvrant leur nature de vargrs. Le glissement de la nature humaine (que le lecteur ne met en doute
au début de l'oeuvre) vers la nature vargr ne laisse pas au lecteur l'opportunité de rester critique
sur le fond même de l'existence vargr. Les incohérences passent ainsi souvent inaperçues et l'ensemble
des détails globalement très convaincant.
Le loup debout reprend cette méthode : un humain part à la découverte (initiatique) de sa véritable
nature vargr, d'abord par les rites de sa tribu (les légendes et superstitions sont basées sur des
faits réels attribuables aux vargrs) puis par la rencontre d'autres êtres de l'ombre et enfin par
l'exploration de sa propre filiation. Ce livre est en fait plus une exposition des caractéristiques
vargres qu'un véritable roman. Et c'est dommage : pas assez étoffé et détaillé pour être une sorte
d'encyclopédie vargre, le roman lui-même ne présente qu'un faible intérêt tant il manque de souffle.
On se surprend à guetter les passages abordant la nature vargre du héros et à survoler ses diverses
aventures, preuve du peu d'intérêt de l'histoire. Comme l'histoire des vargrs est totalement réexpliquée
dans ce nouvel ouvrage, on se demande si son écriture n'est pas antérieure à celle de Garouage,
bien mieux réussi à tous les points de vue. J'aurais préféré lire Garouage en second. Espérons
que le troisième ne sera pas une fade resucée des deux premiers, sans nouvelles idées et sans nouvelles
histoires. |
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PmM |
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